Autotests : le prochain flop dans la lutte contre la Covid-19 ?

Auteur(s)
Pr Dominique Baudon, pour FranceSoir
Publié le 19 avril 2021 - 18:20
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Un autotest
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TRIBUNE - Après le mensonge sur les masques, le naufrage de la stratégie « tester, tracer, alerter, isoler », le flop européen dans l’approvisionnement en vaccin, la lenteur du processus de vaccination dans notre pays, un nouveau flop se profile, celui des « autotests de diagnostic de la Covid 19 ».

Le président de la République a décidé de généraliser la stratégie de confinement à tout le pays le 3 avril pour une durée minimum de quatre semaines. L’objectif est de faire diminuer la circulation du virus et de faire baisser la pression hospitalière, en particulier dans les services de réanimation. Parallèlement, la campagne de vaccination de masse s’amplifiera. Il est fondamental de penser à la stratégie à mettre en place lors de la levée progressive des restrictions prévue mi ou fin mai. Il faudra bien sûr continuer à appliquer les gestes barrières ; l’immunité collective ne sera pas atteinte et il faudra poursuivre la vaccination de masse. Il sera aussi capital de rendre massivement disponible les autotests de diagnostic. Cela représentera un lien entre la levée progressive des restrictions et l’atteinte de l’immunité collective.

Rappel sur l’autotest

C’est un test rapide d'orientation diagnostique (TROD) qui peut être fait par la personne elle-même (prélèvement, réalisation et interprétation). C’est un test antigénique avec un prélèvement nasal quasi-indolore, bien mieux toléré et accepté que le prélèvement nasopharyngé classique ; l’écouvillon doit être enfoncé 3 à 4 centimètres dans le nez. Une fois en place, 5 rotations sont réalisées dans la narine ; l’écouvillon est retiré et mis dans une solution liquide. La solution est alors appliquée sur le test. Une bande témoin apparaît pour indiquer que le test a bien fonctionné et une autre bande apparaît en cas de test positif (en 10 à 15 minutes environ selon les tests). La Haute Autorité de Santé (HAS) s’est prononcée en faveur de ces nouveaux types de tests de détection du SARS-CoV-2. Elle précise que l’autotest doit être réalisé chez des sujets de plus de 15 ans, asymptomatiques, au moins deux fois par semaine.

Quel est le cadre précis de son utilisation ?

Il s’agit de dépister d'éventuels sujets porteurs asymptomatiques de virus pour qu’ils puissent s’isoler et permettre ainsi la stratégie « tester - tracer - alerter - isoler ». Dans les cas où le portage viral est important, la sensibilité de l’autotest est presque la même que celle des tests classiques RT-PCR ou antigéniques avec prélèvement nasopharyngien. Cela pourra s’inscrire aussi dans la stratégie du « passeport sanitaire » permettant, quand le test est négatif, une plus grande liberté (restaurants, rassemblements familiaux, lieux culturels, déplacements aériens…). Pour que cette stratégie réussisse, il faut une disponibilité massive des autotests pour la population.

Quels pays mettent à la disposition des habitants les autotests ?

Ils sont déjà utilisés aux USA (La FDA a autorisé la réalisation des autotests à domicile), en Allemagne, au Royaume-Uni, au Portugal, ou encore en Autriche où depuis le début du mois de mars, chaque habitant peut se procurer gratuitement cinq autotests par semaine. En Suisse, une boîte de cinq tests est envoyée à chaque habitant. En Grande-Bretagne, avec la réouverture des lycées et collèges, chaque élève reçoit un kit pour réaliser le test à domicile ; dans les familles, l’objectif est de réaliser deux tests par semaine. En Allemagne, on peut se procurer auprès de quelques chaînes de supermarché, en magasin ou via internet, des boîtes d’autotests depuis mi-mars. Il y a même des distributeurs automatiques. Or la France, dans ce domaine, a un retard considérable et le ministre des Solidarités et de la Santé, de manière incompréhensible, semble toujours très timoré et freine la mise en place de cette stratégie.

Les autotests seront en vente libre pour la population, seulement en pharmacie, à compter du 12 avril 202. Quatre de ces autotests ont reçu l’autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament. Le pharmacien, selon le ministère, pourra ainsi expliquer le mode d’emploi. Le prix devrait être plafonné à environ 6 euros. A noter que ces tests seront délivrés gratuitement pour les aides à domicile accompagnant des personnes âgées et/ou handicapées. Cinq millions de tests auraient été commandés selon le Ministre des solidarités et de la Santé ; mais ces tests seraient en partie réservés à des campagnes de dépistages ciblées des écoliers, étudiants, enseignants et des précaires.

Pourquoi ce retard en France, pourquoi ce frein à la stratégie des autotests ?

Il y a d’abord une disposition massive gratuite des tests classiques (RT-PCR, antigéniques) qui doivent être réalisés en laboratoire de biologie médicale et/ou en pharmacie. Le principal inconvénient est le prélèvement nasopharyngé douloureux, qui doit être réalisé par un personnel de santé bien formé. Les pharmaciens et les laboratoires d’analyses médicales qui font des recettes historiques grâce à ces tests classiques ne sont pas favorables à l’utilisation massive des autotests. 

Ci-dessous un extrait du communiqué de presse des représentants de la profession (18 mars 2021) :

« Alors que la HAS vient de donner un avis favorable à l’utilisation d’autotests pour dépister la Covid-19, les représentants de la profession pharmaceutique alertent sur les risques encourus en cas de mise à disposition directe au public, qui ne respecteraient pas les recommandations de la Haute autorité. Dans une situation sanitaire de plus en plus complexe liée à l’apparition de multiples variants, la stratégie de dépistage doit plus que jamais s’exercer dans un cadre de conseil et de suivi rigoureux par des professionnels de santé formés et aguerris, proches de la population……Les 22 000 pharmacies, équitablement réparties sur le territoire, constituent de multiples points d’accès suffisants pour permettre à la population de se procurer des autotests dans un cadre sécurisé. En effet, la délivrance de ces dispositifs médicaux doit être associée à un questionnement, nécessaire pour évaluer la pertinence du test et l’inclusion du patient à la population cible ».

Ainsi, l’infantilisation des Français continue sur ce sujet : « tests difficiles à réaliser et à interpréter » ; ils devraient donc être réalisés sous le couvert de professionnels de la santé. Ce que font les populations de nombreux pays européens, les Français ne seraient pas capables de le faire ! S’il faut se faire expliquer la réalisation de l’autotest, alors il ne faut pas l’appeler ainsi. A noter qu’actuellement, tout voyageur arrivant en Polynésie française reçoit un kit d’auto-prélèvement ; toutes les personnes doivent réaliser le test et le renvoyer au plus tard quatre jours après ; dans plus de 95 % des cas, les kits sont bien renvoyés au laboratoire chargé de procéder à l'analyse biologique. D’aucuns pourraient s‘étonner qu’il y ait des lois différentes, bien que l’on soit en France ; il faut rappeler que la santé est une prérogative du gouvernement de Polynésie française qui n'est pas soumise aux réglementations et aux lois de la France dans ce domaine ; c’est le même statut (suis generis) que pour la Nouvelle-Calédonie. C’est un dispositif médical ; il ne peut être vendu qu’en pharmacie. Mais, alors pourquoi ne pas lever cette contrainte, comme cela avait été fait pour les tests de grossesse ? Il faut que ceux-ci puissent être vendus en magasin, petite ou grande surface.

Les doutes sur la fiabilité des résultats

Il y a de la part des autorités sanitaires française une vraie désinformation quant à la fiabilité de ce test qui ne serait que peu sensible. Plus la charge virale est importante, plus les niveaux de fiabilité sont comparables avec les tests classiques. En cas de test positif, la HAS appelle à ce que les personnes réalisent un test RT-PCR afin de permettre l’identification d’un éventuel variant d’intérêt, le contact-tracing et la mise en place des mesures d’isolement. Or la circulation des variants peut être étudiée à partir des tests classiques (en milieu hospitalier, laboratoires d’analyses médicales) ou par des enquêtes sur échantillons aléatoires. Une application pourrait être créée pour signaler la positivité des autotests et faciliter le contact tracing. Mais on pourrait aussi faire confiance à la personne pour informer les éventuels contacts et réaliser l’isolement.

Avec le temps, les autotests seront probablement bien acceptés et utilisés par la population, surtout s’ils permettent une plus grande liberté. Mais se posera alors le problème de l’approvisionnement en autotests. De nombreux pays en ont commandé massivement, et comme la France est très en retard, elle aura probablement de la difficulté à s’approvisionner. Cependant, le Ministère des solidarités et de la santé a indiqué que 26 millions de tests pourraient être livrés en avril ! Avec la lenteur légendaire des processus administratifs français, les étapes nécessaires pour la disponibilité massive des autotests vont prendre beaucoup de temps et il est probable qu’au moment où les restrictions seront levées, les autotests ne pourront être utilisés de manière massive. Une solution serait d'autoriser les supermarchés et grandes surface à s’approvisionner eux-mêmes, ce qui permettrait ainsi l’accessibilité des français à ces tests (C’est ce qui s’est passé avec les masques).

Ainsi, il faut rendre les autotests accessibles à tous pour une levée progressive des restrictions en mai. Il s’agit d’un outil de dépistage rapide et fiable, peu cher et réalisable chez soi ; c’est un outil pertinent, c’est-à-dire utile et facilement utilisable. il est complémentaire à la vaccination de masse pour limiter les contaminations. Mais le processus semble être freiné en France par les autorités sanitaires qui ne font pas confiance aux français. Alors pourquoi demander à ces derniers d’aller dans les pharmacies pour chercher ces autotests. Il faut les rendre accessibles dans les supermarchés et les grandes surfaces, et je suis persuadé que ce sera le cas dans quelques mois, mais avec quel retard ? Pour moi, le plus grand bénéfice est d’impliquer activement la population dans la lutte contre la Covid-19.

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