Secret de l'instruction et affaires : quelles règles pour les sources et les journalistes

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Jean-Philippe Morel, édité par la rédaction
Publié le 08 octobre 2018 - 18:57
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Informer devient de plus en plus difficile pour les médias, en lutte pour leur survie économique
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© Brendan Smialowski / AFP/Archives
La question du secret de l'instruction se heurte souvent à la liberté de la presse et la protection des sources des journalistes.
© Brendan Smialowski / AFP/Archives
De nombreuses affaires politico-judiciaires (Fillon, Benalla, Sarkozy) ont été émaillées par la parution dans les médias d'éléments relevant du secret de l'instruction. Jean-Philippe Morel, avocat au barreau de Dijon, revient pour France-Soir sur ce principe dans lequel se mêlent les droits du mis en examen, la liberté d'informer et le secret des sources.

Le secret de l’instruction judiciaire est régulièrement invoqué, généralement pour se plaindre de sa violation.

L’article 11 du code de procédure pénale affirme le principe d’une enquête et d’une instruction secrète. Ce texte rajoute que "toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel". Ce secret s’impose donc aux magistrats, officiers de police judiciaire, experts, et aux avocats. Sa violation est un délit passible d’un an de prison et de 15.000 euros d’amende.

En 2018 un ancien garde des Sceaux a été mis en examen par la commission d’instruction de la Cour de justice de la République pour "violation du secret professionnel" pour avoir transmis, entre les deux tours de la présidentielle de 2017, des informations confidentielles à un député concernant une enquête pénale visant ce dernier.

C’est l’évidence que les affaires les plus médiatiques ne sont pas totalement "secrètes", avec des acteurs muets. On a ainsi eu connaissance, quasiment en temps réel, du contenu des auditions de Nicolas Sarkozy lors de sa garde à vue au sujet de instruction concernant le financement de la campagne présidentielle. Plus récemment les actes de l’instruction des affaires Benalla ou Fillon ont assez largement été diffusés.

Voir: Le secret de l'instruction est-il un principe "dépassé"?

Afin d’éviter que les informations qui fuitent soient erronées l’article 11 précise que "toutefois afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, le procureur de la République peut, d'office et à la demande de la juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause". Le législateur n’a pas fait preuve de naïveté, en prévoyant donc une possible communication institutionnelle et encadrée, afin de répondre aux violations du secret de l’instruction, mais qui, de fait, contrevient aussi au secret.

La presse n’est pas interdite de parler d’une affaire en cours d’instruction. Le secret des sources de la presse est garanti par la loi. Cependant si une personne tenue au secret de l'instruction transmet une information couverte par le secret à un journaliste, et que celui-ci la publie en connaissance de cause, il peut être poursuivi pour recel de violation du secret professionnel. Mais cela impose que l'auteur de la "fuite" soit identifié, ce que la confidentialité des sources empêche le plus souvent.

L’article 38 de la loi 1881 interdit par ailleurs "de publier les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique et ce, sous peine d'une amende de 3.750 euros".

Saisi de ces questions par un arrêt du 29 mars 2016 (affaire Bedat contre Suisse) la cour européenne des droits de l’homme a rappelé que "la presse joue un rôle éminent dans une société démocratique: si elle ne doit pas franchir certaines limites, tenant notamment à la protection de la réputation et aux droits d’autrui ainsi qu’à la nécessité d’empêcher la divulgation d’informations confidentielles, il lui incombe néanmoins de communiquer, dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilité, des informations et des idées sur toutes les questions d’intérêt général" mais que "à la fonction des médias consistant à communiquer de telles informations et idées s’ajoute le droit, pour le public, d’en recevoir. Toutefois, il convient de tenir compte du droit de chacun de bénéficier d’un procès équitable tel que garanti à l’article 6 § 1 de la Convention, ce qui, en matière pénale, comprend le droit à un tribunal impartial".

Dans nombre d’affaires le droit à l’information semble avoir pris le pas sur le secret de l’instruction. L’équilibre, on le voit, entre différents droits fondamentaux qui s’entrechoquent, est difficile à trouver.

Le rôle de la presse reste néanmoins fondamental car elle permet d’éviter que la justice ait la tentation de l’opacité.

"Plus un secret a de gardiens, mieux il s'échappe". Jacques Deval.

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