Violences policières, discriminations raciales..., la France pointée du doigt au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU

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France-Soir
Publié le 08 mai 2023 - 10:00
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Photo Mathias Redin sur unsplash.com
L'Office des Nations Unies, à Genève.
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DROITS DE L'HOMME - La France a essuyé une salve de critiques, lundi 1er mai 2023, au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU. De nombreux États membres, dont les États-Unis, la Chine et la Russie, ont dénoncé une “répression disproportionnée” des manifestations et un “usage excessif de la force” de la part des forces de l’ordre hexagonales. Ils recommandent à Paris de “redoubler” d’efforts pour lutter contre les violences et les discriminations raciales, et de diligenter des enquêtes indépendantes pour “punir les responsables”. La réponse de la délégation française a été apportée par la conseillère juridique du ministère de l’Intérieur, Sabrine Balim. Celle-ci a évoqué la problématique du port du RIO (le numéro d’identification des forces de l’ordre), qui a fait récemment parler de lui pendant les manifestations contre la loi retraites. 

Lors de la 43e session de l’Examen Périodique Universel (EPU), une procédure visant à examiner la situation des droits de l’Homme dans les États membres de l’ONU, la France a dressé le bilan de ses réalisations depuis 2018, année du dernier EPU.  

C’est Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’Égalité et de la Diversité, qui a pris la parole pour énumérer les avancées françaises en matière d'égalité, de lutte contre la discrimination raciale, les discours de haine ou encore l'antisémitisme et les violences faites aux femmes.

Des efforts salués par les États membres, qui ont vite mis le doigt sur les fausses notes de la situation des droits de l’Homme en France : racisme et xénophobie, usage excessif de la force par les forces de l'ordre, discriminations raciales, attaques contre les migrants...  

“Répression disproportionnée” 

Dans leur rapport, les experts de l’ONU ont dénoncé une “répression disproportionnée” des manifestations comme celles des “gilets jaunes”, un “usage excessif de la force” et un nombre “élevé” d’interpellations et de gardes à vues.  

La France a également été épinglée pour la façon dont les fouilles des forces de l’ordre sont menées sur les individus, comment la confiscation des biens des manifestants se déroule ou encore comment sont infligées à ces derniers des “blessures graves.  

À ce propos, l’article 24 de la proposition de loi “pour une sécurité globale” du 25 mai 2021 a été évoqué, visant à “limiter la publication d’images de policiers et à autoriser des techniques de surveillance”. Celui-ci serait “incompatible avec le droit international des droits de l’Homme”. 

La Chine, en tant que membre originaire de l’ONU, a regretté une “augmentation du racisme et de la xénophobie" et "des mesures qui violent les droits des migrants" en France. La Russie, le Venezuela et l’Iran ont exprimé quant à eux leur “préoccupation” du fait du recours à des “mesures dures et parfois violentes” utilisées afin de “disperser des citoyens pacifiques”.  

Le Brésil et le Japon ont surtout dénoncé le “profilage racial par les forces de sécurité”. Des moyens perçus comme exagérés qui suscitent des “craintes” chez la Suède, la Norvège et le Danemark tandis que le Liechtenstein réclame une “enquête indépendante”. Un avis partagé par la Malaisie et l’Afrique du Sud qui exigent des “enquêtes impartiales” sur “les cas d’incidents racistes” pour que “les responsables soient punis”.  

De leur côté, les États-Unis ont “recommandé à la France d'intensifier ses efforts pour lutter contre les crimes et les menaces de violence, à motivation religieuse telle que l'antisémitisme et la haine antimusulmane". Une recommandation similaire à celle de l’ONU et des États membres, qui ont aussi appelé Paris à “redoubler d’efforts pour lutter contre la discrimination raciale, la xénophobie, le racisme et les discours de haine”. 

L’usage de la force “strictement encadré” selon la France 

Au sujet de la politique de maintien de l’ordre, les représentants des Etats membres de l’ONU ont particulièrement mis l’accent sur le profilage racial et l’usage excessif de la force lors des manifestations. D'ailleurs, sur ce point, l’ONU recommande de dispenser aux “agents de services de police de tous rangs” une formation sur les droits de l’Homme et à la gestion des manifestations.  

Lors de la même session, la France a été invitée à ratifier la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et les membres de leurs familles et à garantir les droits des migrants et des demandeurs d’asile. 

Également présente à Genève, Sabrine Balim, conseillère juridique du ministère de l’intérieur, a réagi aux multiples critiques ciblant la politique française du maintien de l’ordre. Elle a affirmé que “l’usage de la force est strictement encadré, contrôlé et, en cas de faute, sanctionné”. Elle a, en outre, rappelé que les forces de l’ordre avaient obligation de porter un numéro d’identification individuel “afin d’assurer une visibilité et traçabilité de leurs actions”.  

Il s’agit du RIO (numéro référentiel des identités et de l’organisation, ndlr) qui a récemment fait l’objet de la part de plusieurs organisations des droits de l’Homme d’un référé-liberté devant le Conseil d'État pour manquement, de la part de fonctionnaires, à cette obligation. 

Ces organismes, le Syndicat de la magistrature (SM), le Syndicat des avocats de France (SAF), la Ligue des droits de l’Homme (LDH) l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), ont demandé que soit enjoint au ministère de l’intérieur de prendre des “mesures renforcées” afin que toutes les forces de l’ordre encadrant les manifestations portent visiblement et lisiblement le matricule permettant de les identifier individuellement 

Au moment où se tenait cette session au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, 540 personnes ont été interpellées en France lors des manifestations du 1er-Mai, selon un chiffre du ministère de l’Intérieur. 406 membres des forces de l’ordre et 61 manifestants ont été blessés.  

À Paris, où 281 personnes ont été arrêtées et placées en garde à vue, 124 ont été relâchées et vu leurs procédures classées sans suite, soit un taux de 44% (notons que beaucoup d’individus ont été relâchés, donc à l'évidence sans classement de la part du parquet à comptabiliser, ndlr). 

Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a démenti à CNews avoir instruit les forces de l’ordre procéder à des arrestations préventives. Il a expliqué que les interpellations en manifestation sont principalement motivées par des “atteintes aux forces de l'ordre”. 

Darmanin absent du débat des Insoumis 

Mise sur le tapis depuis de nombreuses années, la répression policière a enregistré un pic à partir de 2018 avec les manifestations des “gilets jaunes”. Depuis plusieurs semaines, les protestations contre la réforme des retraites, adoptée par l’usage de l’article 49 alinéa 3 par le gouvernement, apportent leur lot de situations parfois violentes face aux forces de l’ordre. 

Avant de se faire épingler à la 43e session de l’EPU, la France a été déjà appelée en mars 2023 par le rapporteur spécial des Nations unies pour la liberté de réunion, Clément Voulé, à garantir et protéger le droit “fondamental” des citoyens à manifester pacifiquement. “Je suis de très près les manifestations en cours et rappelle que les manifestations pacifiques sont un droit fondamental que les autorités doivent garantir et protéger. Les agents des forces de l’ordre doivent les faciliter et éviter tout usage excessif de la force”. 

La commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, a fait part dans un communiqué de son inquiétude quant à l’évolution de la situation en France. “Les conditions dans lesquelles les libertés d’expression et de réunion trouvent à s’exercer en France dans le cadre de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites sont préoccupantes”, a-t-elle écrit. 

Pour elle, les violences commises par des manifestants “ne sauraient justifier l’usage excessif de la force par les agents de l’État. Ces actes ne suffisent pas non plus à priver les manifestants pacifiques de la jouissance du droit à la liberté de réunion”. “Les violences doivent cesser. C’est une condition nécessaire à l’exercice effectif des libertés d’expression et de réunion, ainsi qu’à la confiance entre la population et les forces de l’ordre”, a-t-elle conclu. 

Maintes fois interpellé à propos des violences policières et de la répression des manifestations, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin souffle le chaud et le froid. Il a plusieurs fois évoqué la fatigue des policiers et des gendarmes pour justifier les dépassements dénoncés, promettant des sanctions face aux “actes contraires à la déontologie”. 

Mercredi 3 mai 2023, Darmanin était absent du débat sur “La répression du mouvement social contre la réforme des retraites”, organisé par les Insoumis. Selon Mediapart, le ministre de l’Intérieur a “prétexté une présence aux QAG (questions au gouvernement) au Sénat au même moment”, diligentant son ministre délégué à l’outre-mer, Jean-François Carenco. 

Lors de cette séance, Mathilde Panot, présidente du groupe insoumis, qui a fustigé la tournure “ridicule” que prenait le débat, a dressé la situation en énumérant les “arrêtés anti-manifestations plus guignolesques les uns que les autres”, la “mise en danger des policiers et des manifestants éborgnés et mutilés” ou encore les “atteintes graves aux droits fondamentaux” des personnes mises en garde à vue lors des manifestations.  

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